PORTEÑOS
Pau,
mars 2007
Les
argentins n'ont pas une très bonne réputation en Amérique latine.
Cette mauvaise image est due principalement aux « porteños »,
les habitants d'origine européenne de Buenos Aires, qui ont tendance
à se comporter avec une certaine suffisance et un sentiment de
supériorité lorsqu'ils se trouvent dans un pays plus métissé,
plus indigène que le leur.
Au
Mexique, les histoires drôles que l'on raconte sur les argentins
sont souvent assez cruelles. En voici un exemple :
- Pourquoi y a-t-il en Argentine autant de prématurés ?
- Parce que leur propre mère ne les supporte pas 9 mois.
Et
une deuxième :
- Pourquoi les argentins de Paris montent-ils une fois par mois en haut de la Tour Eiffel ?
- Pour voir à quoi ressemble Paris sans eux.
En
ce mois de mars 2007, le festival culturAmérica bat son plein. Les
invités sont nombreux et il faut s'en occuper dès la fin de la
matinée jusqu'à une heure avancée de la nuit. Le matin est réservé
aux visites touristiques de Pau, de la Côte Basque ou de Lourdes
pour ceux qui le souhaitent. A midi, c'est l'occasion de faire se
rencontrer des latino-américains différents les uns des autres. Car
si vue d'Europe l'Amérique latine semble être une région du monde
unie par un même passé colonial et une même culture ibérique, il
existe dans les faits une grande distance physique, raciale, sociale,
culturelle et politique entre certains pays qui la composent. Et ce
malgré les différents organismes d'intégration existants, comme
l'OEA, l'UNASUR ou la CELAC.
C'est
ainsi que, lors d'un repas dans une brasserie paloise du Boulevard
des Pyrénées, l'accordéoniste argentin Raúl Barboza fit
connaissance du sociologue et anthropologue mexicain Héctor Díaz
Polanco. Après de brèves présentations et en toute confiance,
Héctor raconta à Raúl qu'en tant que professeur de l'UNAM
(Université Nationale Autonome du Mexique), il avait longtemps eu
une mauvaise opinion de ses collègues argentins qui, depuis le coup
d'état des généraux Videla, Galtieri et compagnie, en 1976,
avaient débarqué à l'UNAM avec le statut de réfugiés politiques.
Grâce à leur curriculum étoffé, leur faconde et leur aptitude à
se vendre, ils avaient réussi à occuper des postes auxquels les
professeurs mexicains aspiraient depuis plusieurs années. Et il
ajouta :
« Ils
nous considéraient comme des indiens descendus des collines à coups
de tambours1».
Lorsque
le recteur de l'UNAM lui demanda un jour de se rendre à Buenos
Aires pour représenter son université à un colloque, sa première
réponse fut négative. Mais le recteur insista et Héctor finit par
accepter à contrecoeur. Une fois sur place, il eut la bonne
surprise de découvrir des universitaires argentins chaleureux,
ouverts, humbles, et désireux de mieux connaître la réalité
mexicaine. La veille de son départ, Hector fit cette confidence au
collègue argentin qui l'accompagnait :
« Tu
sais, j'ai hésité à venir à ce colloque car mes collègues
argentins de l'UNAM sont prétentieux et se croient supérieurs à
nous, les mexicains. Mais ici, j'ai fait connaissance de professeurs
vraiment différents, cultivés et compétents comme toi, mais en
plus respectueux des différences et avec de grandes qualités
humaines.
Et
son ami argentin lui répondit :
« Je
t'explique, ce qui se passe c'est qu'ici, en Argentine, nous nous
annulons les uns les autres ».
En
entendant ces propos, Raúl Barboza éclata de rire et faillit tomber
à la renverse.
François Lassabe
1Indios
bajados del cerro a tamborazos
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