VIOLENCE MACHISTE
Montevideo,
Uruguay, 18 février 2017
Rien
de tel pour s'imprégner de l'ambiance d'une nouvelle ville dans
laquelle on vient de débarquer que de lire la presse locale.
Aujourd'hui, « El Observador » ne titre pas sur le
carnaval mais sur la violence machiste. Car ce phénomène prend des
proportions jusque là inconnues en Uruguay, ce petit pays longtemps
considéré comme « la Suisse de l'Amérique du Sud ».
Vingt-deux femmes y ont été assassinées en 2016 et cinq déjà
depuis le début de l'année.
Il
fait une chaleur humide en cette soirée estivale, la fenêtre de
notre chambre est ouverte, et tout d'un coup, des chants et des
rythmes de tambour attirent notre attention. Nous nous penchons et
voyons défiler à l'angle de l'avenue 18 de Julio des centaines de
femmes et, parmi elles, quelques hommes. Elles marchent d'un pas
décidé, en frappant dans les mains et en chantant des slogans sans
équivoque : « Mujer, escucha, únete a la lucha »
ou « No, no más, no, no matar más ».
Samedi
4 mars 2017
Comme
tous les soirs d'été, les retraités dansent le tango sur la place
Fabini. Sur le trottoir d'en face, les spectateurs discutent et
prennent le frais avant d'entrer dans la salle Zitarrosa pour
assister à un concert de « murgas »1.
Un taxi vient de s'arrêter sur l'avenue. La portière s'ouvre et
alors que la passagère, une femme d'une cinquantaine d'années,
s'apprête à sortir, un « latin lover » trentenaire,
jean, chemise blanche et lunettes de soleil relevées sur la
chevelure, se précipite sur elle et lui assène de violents coups de
poing au visage. La femme hurle, la tête en sang. Carolina pousse un
cri d'horreur, un homme se retourne et voyant la scène, il s'exclame
« cobarde2 »
et fond sur l'agresseur suivi de trois autres. Le violent abandonne
sa proie et se redresse menaçant, de l'air de dire « De quoi
vous vous mêlez ? Approchez si vous êtes des hommes ! »
Mais il est rapidement entouré, projeté au sol, et il reçoit une
pluie de coups de pied sur tout le corps.
Deux
minutes plus tard, le taxi est reparti avec sa passagère
ensanglantée, l'agresseur a fui, sûrement en se traînant vu la
correction qu'il vient de recevoir, la police n'a pas été appelée
et donc n'est pas venue, et le tango a repris ses droits. Seules
quelques tâches de sang sur le sol témoignent du déchaînement de
violence.
Un
quart d'heure plus tard, pendant le concert, un des chanteurs parlera
de ce qui s'est passé devant la salle et sa murga interprétera une
chanson d'actualité sur le thème de la violence machiste. C'est un
samedi soir d'été, à Montevideo.
François Lassabe
François Lassabe
1Formations
musico-théâtrales de chanteurs déguisés qui parodient
l'actualité pendant le carnaval
2lâche
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