martes, 26 de diciembre de 2017

EXPRESSIONS DANGEREUSES

METTRE SA LANGUE DANS SA POCHE

C'est pratiquement impossible, même pour ceux qui ont la langue bien pendue. Un fourmilier en pantalon y arriverait peut-être, mais ils sont rares. Il vaut donc mieux ne pas avoir la langue dans sa poche mais savoir la tenir sans pour autant la tirer. Certains choisissent la langue de bois. C'est une façon de ne pas avoir à la donner au chat, qui ne saurait qu'en faire ! D'ailleurs, les félins préfèrent de loin les langues de vipère, plus piquantes. Certains minets d'appartement ont cependant croqué, à leur insu, des langues-de-chat. Mais je ne dénoncerai pas leurs maîtres, je ne veux pas être mauvaise langue. Quant à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire un non sens comme « autant pour moi », il vaut mieux dire ce que l'on pense, puis se la mordre et pousser un bon cri suivi d'un juron dans sa langue d'oc.

PRENDRE LE TAUREAU PAR LES CORNES

À éviter à moins d'être un forcado portugais. Si vous voulez à tout prix prendre l'animal, prenez le par surprise et par la queue. Un coup de patte vaut mieux qu'un coup de corne.
En réalité, le taureau est fait pour être évité. Quand il est évité de façon artistique, on dit « toréé ». Dans les abattoirs, il est pris par traîtrise, conduit dans le couloir de la mort sans pouvoir se défendre, et tué au pistolet pneumatique. Il n'est qu'un numéro qui ne vaut que son poids en viande. Dans une arène, il a un nom, une origine, il peut se défendre et meurt au combat. Si sa bravoure est exceptionnelle, il peut même être gracié et retrouver les plaines d'Andalousie ou d'Estrémadure. Les anti-corrida ne comprennent pas l'amour du taureau qu'ont les « ganaderos », les « toreros » et les « aficionados ». Sans corridas, le « toro bravo » n'aurait plus sa raison d'être et on n'en verrait que quelques exemplaires déprimés dans des parcs animaliers, accompagnés d'une paire de zébus ou de bisons d'Europe. Laissons-les donc vivre en liberté (surveillée) et mourir dignement.

CHAT ÉCHAUDÉ CRAINT L’EAU FROIDE

En réalité, tous les chats craignent l’eau, qu’elle soit froide, tiède ou chaude. Ils savent qu’ils ont échappé par miracle à la noyade dans une bassine à laquelle sont condamnés la plupart de leurs frères et sœurs à la naissance. Donc, dispensez-vous de les ébouillanter pour vérifier qu’ils craignent aussi l’eau froide. La réponse est connue d’avance. A choisir, faites l’expérience avec un homard, un tourteau ou une langouste. Ce sont des animaux qui ne crient pas au contact de l’eau bouillante et de plus, ils ne craignent pas non plus l’eau froide puisqu’ils en sortent. Et puis il faut reconnaître qu’avec un peu de mayonnaise, ils remplacent avantageusement le chat dans une assiette.

ABREUVER QUELQU’UN DE COMPLIMENTS

Activité propre des pots de départ à la retraite. Après avoir bu quelques verres d’apéritif, le directeur ou chef d’entreprise abreuve de compliments le futur retraité en faisant son éloge funèbre de travailleur salarié. Un verre dans la main gauche et une feuille un peu froissée dans la droite, il retrace le parcours du combattant du partant qui sait ce qui l’attend dans les mois à venir : revenus moindres, sentiment d’être inutile et en marge de la société, problèmes de santé liés à l’oisiveté, devoir supporter son conjoint beaucoup plus d’heures par jour et regarder « Des Chiffres et des Lettres » à la télévision pour constater la baisse progressive de ses capacités intellectuelles. A son tour, il remerciera son directeur ou chef d’entreprise, abreuvant d’éloges ses anciens collègues qui viennent de lui remettre un bon d’achat correspondant au tiers du prix du voyage en Corse qu’il pense faire en septembre pour oublier que d’habitude à cette même époque il reprend le travail.
Une fois les discours terminés, tous les présents continueront à s’abreuver d’apéritif anisé, de vin doux et de compliments avant de prendre le volant. Pour la Sécurité Routière, il vaudrait mieux remplacer cette formule par « abréger quelqu’un de compliments ».

LES ABSENTS ONT TOUJOURS TORT

Affirmation absurde. Demandez ce qu’ils en pensent à ceux qui n’avaient pas pris à temps leur billet pour assister à un certain concert au Bataclan. Ou à ceux qui au dernier moment ont préféré partir en vacances à Tahiti plutôt qu’à Mexico sous les secousses sismiques, ou en Martinique balayée par un cyclone.
En réalité, les absents ont parfois raison. Mais ils doivent cependant éviter que leur absence soit remarquée, surtout sur leur lieu de travail. Car trop d’ absences tuent l’absence et la transforment en présence indésirable, donc en absence définitive.


Absence de travail, de revenus, d’amis, d’avenir. Il faut donc trouver le juste milieu. Les portugais ont adopté la bonne formule : il se complaisent dans un sentiment qu’ils appellent la "saudade" et dont la définition serait  "la présence de l’absence".

                                                                             François Lassabe

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